Le vin n’échappe pas, à l’instar de nombreux autres produits commerciaux, aux phénomènes de mode. Une gamme est, aujourd’hui, particulièrement exposée à cette tendance : il s’agit des vins "nature". Mais de quoi parle-t-on au juste ? Il semble que nos législateurs, pourtant si contraignants à de nombreux égards, soient un peu embarrassés voire complètement perdus par cette nouvelle façon d’entrevoir la vinification… En témoigne le vide juridique actuel !! On les définit alors le plus justement par "vins sans soufre ajouté" puisque ceux-ci sont protégés uniquement par le dioxyde de soufre produit naturellement par les levures pendant la fermentation.
Dans le cadre d’une dégustation récente de vins jeunes blancs, rosés et "oranges" (autre couleur à la mode dont on parle de plus en plus…), j’ai pu constater que la grande majorité d’entre eux présentaient des arômes fermentaires dominants mais bien plus grave, des arômes d’oxydation avancée (cidre fermier, noix, pruneau…) laissant présager une évolution bien trop rapide et une qualité très discutable si bien qu’il m’était impossible d’identifier un quelconque arôme primaire et donc forcément d’avoir, à l’aveugle, la moindre idée des cépages avec lesquels ils avaient été élaborés ! Les autres (malheureusement minoritaires) montraient une grande pureté, de la précision et un fruit éclatant. Heureusement certains vinificateurs maîtrisent leur sujet mais force est de constater que ce n’est pas le cas de tous…
Fervent défenseur d’une agriculture propre ainsi que des vins qui doivent l’être tout autant, il ne faut pas sacrifier sur l’autel du goût et des tendances nombre de vins qui devraient s’avérer intéressants et agréables au titre d’un certain dogmatisme ou jusqu’au-boutisme. Je n’oublie pas, néanmoins, à l’autre extrémité du curseur, les vins qui peuvent être dénaturés par un sulfitage excessif ou mal maîtrisé. Cela dit, ces derniers ont vu leur nombre diminuer fortement ces dernières années et n’occultent pas autant le terroir que ceux que j’incrimine aujourd’hui.
Si ce phénomène se généralisait, il entraînerait une perte d’identité pure et simple de nos appellations !! Alors, si l’organisation et la législation de nos A.O.P. sont, certes, lourdes et complexes, elles ont, cependant, le mérite de préciser et de clarifier les styles et typicités de vins participant alors fondamentalement à la définition même de nos terroirs. C’est cela qu’il faut défendre et d’ailleurs, l’INAO ne s’y trompe pas en ne permettant pas l’appellation aux vins "oranges".
Viticulteurs et vinificateurs sont les artisans de la justesse et de l’authenticité de notre patrimoine œnologique. Dans un futur où la planète et la vie sur celle-ci vont connaître des bouleversements dont on ne peut aujourd’hui quantifier l’ampleur, nous allons avoir besoin d’innovation, de renouveau, d’énergie, de ferveur… Essayons de préserver dans toute cette prochaine évolution ce qui a fait la magnificence de notre joyau national.