LA QUALITÉ ACTUELLE DE NOS VINS N’EXCUSE PAS TOUT !

Nos connaissances accrues du cycle végétal de la vigne et des réactions biochimiques qui régissent la vinification puis l’élevage des vins ont permis, depuis déjà quelques années, d’accroître leur qualité et de réduire la proportion de vins présentant des défauts olfactifs et gustatifs. Nous ne pouvons que nous en féliciter lorsque l’on sait l’importance de l’œnologie dans notre économie et notre balance commerciale.

Cela dit, nous sommes tout de même amenés à nous poser un certain nombre de questions sur l’identité de nos vins. Nous avons coutume de penser que dans notre pays tout comme en Italie ou en Espagne, nous faisons encore majoritairement nos vins dans le vignoble. C’est-à-dire que nous prenons soin de présenter le meilleur raisin possible en cuverie puis ne pas être trop interventionniste lors de la vinification. Indépendamment du mode de viticulture et de l’utilisation de levures indigènes, il est vrai que cette façon de procéder est celle qui permet le mieux au terroir de s’exprimer et d’élaborer des vins fidèles à leurs origines et donc à leurs appellations. Or, de plus en plus fréquemment, des domaines et châteaux usent et abusent de technologies vinicoles pour réaliser des produits qualitativement irréprochables mais que l’on pourra qualifier de "techniques" manquant souvent de personnalité et ayant grand mal à révéler leur terre de naissance. Ils deviennent alors des breuvages standardisés, presque aseptisés. L’avantage de cela est que dans le dédale de nos terroirs et systèmes d’appellations, le consommateur lambda s’y retrouve mais le connaisseur s’y perd ! En effet, vitrine mondiale de notre viticulture, nous sommes fiers, aujourd’hui, de goûter les crus classés du médoc portés à un niveau quasi parfait en terme d’équilibre et de qualités organoleptiques. Mais, revers cinglant de la médaille, il est de plus en plus difficile même pour les plus prestigieux d’entre eux et les plus connaisseurs d’entre nous de faire la différence à l’aveugle entre un Margaux et un Pauillac, appellations aux caractéristiques en bouche, en des temps jadis, pourtant si différentes !

Cette standardisation œnologique s’est mise en place petit à petit et insidieusement. Elle a des origines multiples :

 -  L’utilisation de technologies et de matériels toujours plus pointus et accessibles au plus grand nombre

 -  Des œnologues "gourous de la vinification" qui, portés par une reconnaissance "markétée", ont un tel pouvoir décisionnel que les propriétaires de certains de nos plus grands fleurons n’osent même plus discuter leurs choix

 -  Des gourous internationaux de la notation qui ont assuré pour les plus grands châteaux des niveaux de prix record et un succès à l’exportation que nul ne saurait refuser

 -  Un effet de mode, avec des vins "passe-partout", qui répondent aux goûts du consommateur quelle que soit sa culture ou sa connaissance du vin

Alors, si l’augmentation globale de la qualité technique des vins a généré une homogénéisation de leur goût, il serait de bon ton aujourd’hui de garder ce niveau qualitatif mais en évitant de les couper de la terre qui les a vus naître et ainsi leur permettre d’exprimer à nouveau leur personnalité et sensibilité originelles.