VIN ET HORIZONTALITÉ…
Nous vivons actuellement un contexte des plus difficiles à tous les niveaux. Que cela soit d’un point de vue sanitaire, économique, social ou culturel, on a très souvent l’impression qu’il semble inévitable de repartir de zéro en remettant en cause certains préceptes d’antan ou en ayant à démontrer la faisabilité de certains travaux, organisations ou prestations jadis banals à mettre en œuvre. Concept des plus paradoxaux que celui qui voudrait néanmoins opposer ancien monde et nouveau monde car, in fine, la mondialisation reprend ses droits et continue de façonner notre vie selon les mêmes principes et stratégies. Seuls quelques protocoles et restrictions se sont invités dans le décor mais le paysage reste invariablement le même.
Il semble même que, dans certains domaines, cette nouvelle façon de penser - dont l’ébauche avait déjà commencé bien avant la crise que nous vivons - et qui consiste à faire de l’art avec tout et n’importe quoi ou à développer une culture de masse afin de la mettre à la portée du commun des mortels, s’accélère en ces temps perturbés. Ainsi, certains chassent l’élite et l’élitisme comme d’autres de vulgaires perdreaux et cette nouvelle philosophie sculpte les mentalités avec un apprentissage universel, irrationnel et dépourvu de toute substance. Les exemples sont nombreux et engendrent moult controverses dans le milieu éducatif, celui de la santé, des arts etc… Notre monde est ultra-connecté : tout un chacun a accès à toute l’information qu’il souhaite sans pour autant que celle-ci soit vérifiée, démontrée ou sourcée. De plus, notre vie au quotidien est guidée par toute une faune de soi-disant "experts" dans toutes les disciplines. Tous ces facteurs constituent un incroyable catalyseur de ce que l’on peut nommer "horizontalité", concept, qui, selon les principes du tout culturel et d’une illusoire égalité dans l’accès à cette pseudo-culture, anéantit toute ambition de classification et d’échelle de valeurs dans le savoir.
L’œnologie n’échappe malheureusement pas à cela. Riche et dense de par son histoire, sa culture, sa complexité technique et scientifique, elle requiert du temps et de l’abnégation pour celui qui veut un tout petit peu et humblement se l’approprier. La compréhension gustative d’un vin fait appel à de très nombreux paramètres rationnels que l’on se doit d’analyser et d’approfondir. C’est un travail de longue haleine que l’on doit conduire à la fois sur la matière et sur soi-même en utilisant ces outils concrets qui nous permettent d’interpréter et d’expliquer ce que nous disent nos sensations. Or, la tendance actuelle est de parler du vin en exprimant uniquement son ressenti étayé, en définitive, sur… aucune objectivité ! Telle est la façon de procéder de ces nouveaux gourous de la dégustation, nouveaux experts et maîtres à penser qui veulent mettre cette science au niveau de tous et faire croire à qui le veut bien qu’après avoir dégusté quatre vins de l’appellation Bordeaux, on pourra comprendre et apprécier un Pétrus !!! Un littéraire ferait le même parallèle en faisant miroiter la maîtrise rapide de l’œuvre de Proust à celui qui n’a lu que les deux livres qui composent sa bibliothèque !!!
En vertu d’une illusoire homogénéité artistique et culturelle, ce monde est en train de lisser les savoirs et de les niveler par le bas en balayant d’un revers de main son histoire, son passé et son héritage.