A l’heure de la bien-pensance et du politiquement correct, il est bon d’analyser objectivement notre rapport ainsi que celui de nos institutionnels au vin. De quoi est-il question ici ? Et bien de la communication taboue sur le thème de l’alcool et plus précisément sur celle du vin et de ses effets sur la santé.
Nous savons tous et encore plus nous, professionnels de l’œnologie, qu’une consommation responsable et modérée doit être prônée. Cependant, nous constatons que la règle de la modération en terme de consommation, qui est notre discours, n’est pas la règle suivie par "certains" dans leurs propos et dans leur communication. Vous avez deviné à qui je fais allusion… les organismes de lutte et de prévention contre l’alcoolisme et les addictologies. Leur philosophie dogmatique pourrait se résumer en une phrase : "Un seul verre de vin voire même une seule goutte de vin mène aux cancers, maladies cardio-vasculaires etc … ! "Comme dans tous les domaines, ce genre de propos extrémistes ne peut conduire à rien de bon. Leur principale erreur est de partir en croisade contre le vin en le mettant au même niveau que les alcools forts. Dopés par des dizaines de millions d’euros de subventions publiques, ces acteurs du lobby sanitaire (Anpaa, Inpes, Mildeca…), ont ɶuvré, depuis des années, pour l’interdiction de la publicité sur le vin, par le biais de la loi Evin. Si bien que l’on ne peut quasiment plus parler ni de vin ni de dégustation à la télévision ! Et, aujourd’hui, ils voudraient, s’ils le pouvaient, en faire interdire purement et simplement la consommation !
En matière de prévention contre l’alcoolisme, la méthode employée est contre-productive et l’histoire leur donne tort. La prohibition aux Etats-Unis entre 1920 et 1933 n’a jamais autant incité la population à consommer et à s’enivrer, sans compter les trafics et les dérives criminelles que cela a entraîné… Autre trait factuel à mettre à leur encontre : nombre de centenaires (ils sont de plus en plus nombreux à pouvoir témoigner !) ayant bu ou buvant encore un verre de vin par repas ridiculisent encore un peu plus leurs discours ! Enfin, des personnalités du milieu médical, je citerai l’une des plus éminentes, le Professeur David Khayat, chef du service d’oncologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui jette aux orties ce radicalisme et vante, même en public, les vertus du vin !
Il est également désopilant de constater à cet égard, le double langage de l’Etat. D’une part, il défend un secteur d’activité largement excédentaire dans notre balance commerciale et brosse dans le sens du poil les acteurs d’une filière qui représentent un électorat non négligeable ‒ notre nouveau Président Emmanuel Macron, assumant boire un verre de vin par jour, a déclenché un tsunami de protestions au sein du lobby anti-vin dont les porte-paroles ont failli s’étrangler… Remarquez que cela nous change de l’éloge de la Corona® et des derniers pensionnaires de l’Elysée qui n’en buvaient pas ! ‒ D’autre part, pour se donner bonne conscience, l’Etat continue de financer les organismes de lutte contre les addictologies dont la croisade anti-vin est devenue l’une des spécialités.
Cette consommation responsable, nous ne l’obtiendrons pas par des interdictions ou par des propos alarmants mais en éduquant et en expliquant ce que sont : le vin, ses terroirs, son histoire, l’apprentissage de la dégustation analytique, les différents métiers de toute la filière etc… Je suis convaincu qu’une meilleure compréhension de la dégustation par l’identification des arômes, des saveurs, des caractéristiques tactiles des vins, appelle à une consommation responsable et constitue le meilleur rempart contre l’alcoolisme. Donnant moi-même des cours au sein de clubs œnologiques de Grandes Ecoles (Polytechnique, Ponts et Chaussées, Mines, Sciences Po etc…) je me réjouis d’une approche plus culturelle du vin par des jeunes dont on déplore, pour nombre d’entre eux, les excès en la matière (binge drinking, bière-pong etc…). Issu moi-même d’une Grande Ecole, je les félicite de la création de ces clubs qui n’existaient pas en des temps jadis auquel mon être fossile appartient désormais…
La consommation d’alcool en France a diminué de moitié depuis l’après-guerre. Nous buvons moins mais nous consommons mieux. Je peux en témoigner dans le cadre de mes prestations : comprendre davantage ce que nous goûtons est synonyme d’une meilleure appréciation et amène à plus de responsabilité pour sa propre santé. Donc, les ayatollahs et les extrémistes en tout genre ne sont pas recommandables. Gardons-nous, quel qu’en soit le sujet, de tout excès qui nuirait au débat et génèrerait désinformation et incompréhension.